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MONT DE MARSAN : Cérémonie du 18 août 2012 : Allocution du Président de l’association devant la stèle érigée en mémoire des enfants juifs

lundi 3 septembre 2012, par gabardan

Il y a 70 ans jour pour jour, le mardi 18 août 1942, 16 enfants juifs étaient raflés à Saint-Pierre du Mont à la Ferme du Pouy et en gare de Mont de Marsan. 16 innocentes victimes qui ont péri à Auschwitz au seul prétexte qu’ils étaient nés juifs. C’étaient des petits français comme les autres, ils ne demandaient qu’à vivre.

Ils ont péri, victimes d’un des crimes les plus monstrueux qui soit : le racisme ! Car c’est au nom de la pureté et de la supériorité de la race, que les nazis s’étaient fixé pour mission, l’extermination du peuple juif. En France, 11 400 enfants ont été raflés, le plus souvent par la police française et envoyés dans des wagons à bestiaux à l’usine de mort d’Auschwitz.

Cette cruelle tragédie est aussi une grande leçon de l’histoire. Fonctionnaires et policiers de Vichy ont prétendu plus tard qu’ils ignoraient le sort réservé aux juifs arrêtés et déportés. Mais des milliers, des dizaines de milliers de français savaient eux, qu’il fallait arracher les enfants aux griffes des allemands pour qu’ils aient la vie sauve ; et ce, malgré les risques encourus. Et si 11 400 enfants juifs de France ont péri à Auschwitz, 60 000 ont été sauvés, en même temps qu’était sauvé l’honneur de la France.

Grâce au peuple de France, la vie a triomphé.

Même si, comme a dit le poète, le sang sèche vite en entrant dans l’histoire, il faut que cette tragédie soit connue, enseignée, car le ventre est encore fécond d’où a surgi la chose immonde. Le racisme continue de roder et de mordre autour de nous, dans une société ravagée par la crise, comme ce fut le cas dans les années 1930, en Allemagne.

Si comme chaque année, nous sommes rassemblés devant ce Mémorial, ce n’est pas seulement pour honorer la mémoire des victimes, mais pour que

les jeunes générations sachent qui étaient ces enfants ; pour que l’enfer qu’ils ont vécu soit connu ; pour qu’ils deviennent selon la belle formule de Serge KLARSFELD, des acteurs de l’histoire.

C’est pour toutes ces raisons que notre association a érigé ce monument et que nous avons édité une plaquette que je vous invite à lire, à relire et à diffuser autour de vous.

En 1943, Himmler, le chef de la SS nazie, avait proclamé :… le peuple juif sera exterminé… C’est une page de gloire de notre histoire qui ne sera jamais écrite. Pour ce qui concerne les Landes, il a failli avoir raison. Une chape de silence et d’oubli s’est abattue sur cette tragédie.

Comment expliquer que des familles entières de juifs alsaciens, repliés dans notre département en 1939, aient disparu à Auschwitz sans laisser la moindre trace ni ici, ni en Alsace ?

Comment les 7, 8 et 18 août 1942, 84 juifs ont été raflés en gare de Mont de Marsan sans que cela soit rappelé quelque part ?

Et si notre association n’avait pas pris l’initiative d’ériger ce Mémorial, celui-ci n’existerait pas et la déportation des enfants vouée aux oubliettes de l’histoire.

Dans l’incessante quête de la vérité et du devoir de mémoire, depuis l’inauguration du Mémorial le 16 octobre 2006 par Lucie et Raymond AUBRAC, nous avons découvert et identifié cinq nouvelles victimes arrêtées à Mont de Marsan, Dax et Grenade sur Adour.

Nous avons fait graver leurs noms dans la pierre du pays et avons informé Monsieur le Préfet, Monsieur le Président du Conseil Général et Madame le Maire de Mont de Marsan. Les plaques symboles des cinq enfants sont exposées ce jour devant le Mémorial.

Notre association considère que les noms des cinq martyrs ont d’autant plus leur place sur le Mémorial que trois d’entre eux, s’ils habitaient en France, sont d’origine étrangère. Or, ce n’est pas à Varsovie ou à Berlin où ils sont nés, et encore moins à Auschwitz, où ils ont péri, que sera honorée leur mémoire.

Faut-il pour autant les rayer de l’histoire ?

C’est pourquoi nous proposons d’honorer la mémoire de toutes les victimes qui sont, ou seront identifiées, comme nous en avons pris l’engagement public le 10 décembre 2005 lorsque nous avons décidé l’érection du Mémorial ; mais aussi parce que, comme l’a rappelé en son temps le Président Jacques CHIRAC : « Nous avons envers les victimes de la Shoah une dette imprescriptible ».

Déclaration confirmée par le Président François HOLLANDE lors de la récente cérémonie du souvenir de la grande rafle du Vel d’Hiv. : « Il ne doit pas y avoir, a-t-il déclaré, une seule école, un seul collège, un seul lycée, ou la Shoah ne puisse être enseignée… il ne peut y avoir, il n’y aura pas, pour la République, de mémoire perdue. J’y veillerai personnellement ».

Notre association partage totalement l’engagement du Président de la République.

Aussi, dans le cadre du 70ème anniversaire de cette tragédie, c’est avec beaucoup d’humilité et infiniment de respect que nous nous inclinons devant la mémoire des 29 victimes du racisme nazi aujourd’hui connues : 14 garçons, 15 fillettes : 26 français, 2 polonais, 1 allemand, sans discrimination.

Et pour répondre au vœu du Président de la République, nous souhaitons vivement que ce monument soit, non seulement au service de la mémoire, mais devienne un instrument d’éducation citoyenne au service des établissements scolaires : pour enseigner la Shoah, pour rappeler les valeurs de la Résistance, pour combattre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

En conclusion, permettez-moi de reprendre l’appel à la tolérance et au droit à la vie lancé par une lycéenne à son retour d’un voyage pèlerinage à Auschwitz :

« Parce que se souvenir, c’est encore la meilleure façon d’éviter le pire et de construire un monde de paix et de tolérance, un monde où tous, sans distinction de race, ni de religion, nous aurons le droit de vivre, tout simplement le droit de vivre ».

voir : ==> les pariticipants sont invités à fleurir la stèle

18 août 2012