Histoire tragique des enfants juifs dans les Landes 3/

mercredi 25 juillet 2012
par  gabardan
popularité : 86%

L’opération "vent printanier "

Le préfet des Landes de l’époque, M. René GAZAGNE, nommé dans le département en juillet 1941, va être particulièrement en pointe dans cet exercice.

Les premières arrestations programmées de juifs étrangers en juillet 1942 vont le démontrer. Jusqu’à cette date, les juifs arrêtés l’étaient pour infractions à la législation de Vichy les concernant : refus de port de l’étoile jaune, tentative de franchissement de la ligne de démarcation, etc.

Mais les 15 et 16 juillet c’est la mise en œuvre à l’échelle du pays de l’opération dite « VENT PRINTANIER » (sic) première vague d’arrestations massives visant surtout les juifs de nationalité étrangère prélude à la Solution finale.

Que nous révèlent les documents d‘archives ?

Le 5 juillet 1942, le commandant en chef de la police allemande de sûreté en poste à Dax adresse aux autorités françaises la directive suivante avec la liste des personnes à arrêter :

« Tous les juifs [étrangers] du département des Landes, hommes et femmes âgés de 16 ans révolus à 45 ans, sont à arrêter et conduire à la maison d’arrêt de Dax.

Ces arrestations et transfèrements devront être terminés au plus tard le 9 juillet 1942 à 20 heures. Ces instructions ont été données à la gendarmerie nationale de Mont-de-Marsan personnellement par le signataire 2) (Archives des Landes) (285 W 73).) ».
Signé : LAUBENBERGER

Le lendemain 6 juillet nouvelle directive du même au préfet :

« Le service extérieur du service ci-dessus désigné vous fait connaître que les mesures discutées le 5 juillet avec le secrétaire général M. CRABOL à Mont-de-Marsan doivent momentanément être suspendues… le nouveau délai vous sera communiqué en temps voulu ».
LAUBENBERGER
2) (Archives des Landes) (285 W 73).

Le 13 juillet troisième directive :

Les mesures contre les juifs portées à votre connaissance en date du 5.7.1942 sont à exécuter… Les juifs doivent être arrêtés et conduits à Dax… par la police française bien sûr.

Qui est concerné par cette mesure et comment va réagir le préfet ?

  • La liste des personnes à arrêter comprend neuf noms :
  • Hansi ABRAMOVICI, 30 ans, Dax, roumain, 
  • Hélène BENEDEK, 33 ans, Peyrehorade, hongroise,
  • Fanny BLASS, 46 ans, Vieux Boucau, hongroise,
  • Tarri SIGMAN, 18 ans, Mimizan, autrichienne,
  • Rachel BLATT, 42 ans, Dax, polonaise,
  • Berthe GHELDMAN, 35 ans, Dax, roumaine,
  • Elisabeth GOLDENFELD, 39 ans, Dax, roumaine,
  • Frédéric LEVI, 41 ans, Rion des Landes, allemand,
  • Lija LEWIN, 37 ans, Dax, polonaise.

Tous seront arrêtés et déportés par le convoi n° 7 le 19 juillet 1942. Dans le même convoi, neuf autres juifs déjà arrêtés dans le département pour infraction à la législation juive, dont la mère et la sœur aînée de la petite Nicole GRUNBERG. Problème pour le préfet, il y a trois enfants  : Henriette BLATT et Georges GHELDMAN à Dax et Jean BENEDEK à Peyrehorade.

Du 5 juillet au 15, préfet et fonctionnaires de police avaient tout le temps pour prévenir les intéressés du danger d’arrestation qui les menace. Pas un ne sera averti. Mais pire, bien que la note du policier allemand soit très claire ; les juifs de 16 ans révolus à 45 ans sont à arrêter… le préfet téléphone à Paris et comme il va l’indiquer à son supérieur préfet de région quelques jours plus tard, … d’après les instructions reçues téléphoniquement du cabinet de M. LEUGUET (sic)1 les mères juives pouvaient emmener avec elles leurs enfants (2) (Archives des Landes) (285 W 73).). Et c’est sans la moindre instruction officielle que GAZAGNE adresse le 15 juillet une note au sous-préfet et aux services de police indiquant que …. les enfants pouvaient être emmenés avec leur mère.

Sur la base de cette directive les enfants BLATT et GHELDMAN sont arrêtés par les policiers français, conduits à la prison de Dax et remis le lendemain matin 16 juillet aux autorités allemandes … qui refusent de les prendre … malgré toute notre insistance… malgré deux démarches que je fis auprès des autorités d’occupation… (2) (Archives des Landes) (285 W 73).) comme rendra compte le sous-préfet à son supérieur. Et l’on va assister à ce fait inouï où le chef de la sûreté allemande va devoir rappeler par écrit, ce même 16 juillet 1942 au commissaire de police de Dax : … les mesures prises contre les juifs ne concernant que les personnes dont l’âge est compris entre 16 et 45 ans … Il ne sera pas possible que le fils de Mme GHELDMAN reste avec sa mère (2) (Archives des Landes) (285 W 73).).

Ainsi, aussi incroyable que cela puisse paraître, les trois enfants concernés vont être sauvés dans un premier temps… par les allemands ! Et définitivement par trois familles françaises. En dépit des risques encourus :

  • Raoul LARTIGAU huissier à Dax sauvera Henriette BLATT,
  • Paul COUGOUILLE professeur, militant communiste, sauvera Georges GHELDMAN
  • et Jean BENEDEK, sauvé par la famille SABAROTS à Peyrehorade, lesquels mettront les trois enfants en sûreté en zone non occupée.

Et lorsque trois mois plus tard, les allemands donnent l’ordre d’arrêter les trois enfants, c’était trop tard. Ils étaient sauvés !

Cet épisode révèle l’abîme existant entre un haut fonctionnaire de Vichy, uniquement soucieux de sa carrière qui sait ce qu’il advient des juifs déportés, et des familles françaises qui, devinant le sort qui peut leur être réservé, n’hésitent pas à prendre d’énormes risques pour arracher les enfants aux griffes des allemands.

Ces enfants ont eu la vie sauve mais toute leur vie restera marquée par la disparition de leurs parents. Le petit Georges GHELDMAN va adresser à sa tante à Paris un message qui exprime toute la détresse d’un enfant de 11 ans :

Dax le 17 juillet 1942

Ma chère tante,
Je t’écrit en ce moment pour te prévenir qu’on est venu chercher maman pour la mener dans un camp de consentration pour travailler.

J’ai tellement pleurer que je n’ai plus de larme et mon coeur est fondu. On m’a arraché de maman après avoir passé la nuit dans la prison alemande, on était dix et deux enfant et ce matin elle est parti à mérignac avec d’autre juifs ou l’on vat les consantrer puis ils vont partir en alemagne…

Tu m’écrira a cette adresse M. P. COUGOUILLE villa marcelle boulevard claude Lorrin.
Jojo

À SUIVRE lors de la prochaine mise à jour